Flow, une euphorie sans drogue

La situation actuelle est particulièrement anxiogène, et avec raison. Nous sommes donc tous possiblement à la recherche d’expériences plus enrichissantes que celles qui composent notre routine de quarantaine habituelle (dormir, manger et se demander quoi faire autre que manger) qui nous permettrons de diffuser un peu ce sentiment d’anxiété qui nous habite collectivement. La psychologie positive est peut-être une des clés avec lesquelles il serait possible d’accéder à ces expériences.
Ce que la science de la psychologie positive nous explique, c’est la façon dont il est possible de développer l’habileté d’activer l’expérience de flow. C’est quoi, le « flow », au juste ? Il s’agit en fait d’une « zone mentale » où la concentration optimale fusionne avec une excitation énergétique élevée. Pour activer l’état de flow, il est important de bien comprendre les phases par lesquelles passer pour atteindre cette zone optimale. 

1.   Apprentissage d’un talent

Que ce soit pour apprendre le ukulélé, une nouvelle technique de maquillage ou un nouveau sport, il est nécessaire de passer par la première phase : l’adaptation. Non seulement cette phase requiert de l’énergie, elle est également stressante. En effet, tu peux te sentir bombardée, voire démunie devant la foule d’informations qui se présentent à toi, puisque tu ne ressens pas avoir les compétences nécessaires pour la franchir. Soudainement, tout ton entourage devient l’expert de cette nouvelle activité que tu tentes de maîtriser. Ta prof de yoga t’explique comment t’améliorer, ton amie te montre comment mieux te positionner, ta mère te donne des conseils, ton influenceuse préférée fait part de ses trucs et astuces dans ses stories Instagram… Tu ne sais plus où donner de la tête ! C’est un peu comme si tu mâchais une gomme balloune en ayant la constante impression qu’elle va te péter dans la face. Un rien pourrait te déstabiliser, et c’est bien normal : tu es sous tension. Toutes ces informations occupent une place importante dans ton esprit et engendrent un certain stress, anxiété, frustration — you name it — parce que tu dois apprendre à jongler avec celles-ci.
À ce stade, tu te situes au-dessus de l’état de flow, ce qui fait que tu perçois la tâche comme étant particulièrement difficile. Et, comme de raison, tu ne sens pas que tu as les compétences nécessaires pour mener à bien la tâche. Ce que tu dois te dire, c’est que, même si c’est stressant, tu as besoin de ce stress pour apprendre à développer de nouvelles habiletés. Par définition, l’apprentissage de nouvelles techniques nécessite que tu repousses tes limites.

Trucs et astuces pour gérer le stress :

- Si ça ne fonctionne pas après des dizaines et des dizaines d’essais, il vaut mieux reporter le tout au lendemain et te concentrer sur autre chose pour le reste de la pratique.

- Lorsque tu sens que tout le monde te donne des conseils et que cela te met de la pression, utilise des techniques de visualisation. Imagine-toi en train d’effectuer des mouvements que tu connais déjà, par exemple. Non seulement cela va te permettre de réactiver ta confiance en tes habiletés existantes, ça va aussi faire en sorte que tu puisses faire le tri entre les conseils pertinents pour t’améliorer et les conseils superflus. Après tout, il faut toujours essayer d’éliminer les bruits inutiles qui empêchent une concentration optimale.
 
2.      Recharge et intégration des acquis (ou recovery en anglais… ça sonne mieux)

La recharge, c’est ce qui survient souvent après l’apprentissage. À ce stade, tu ne dois plus penser à ce qui ne fonctionne pas : tente de faire le vide, « tire la plug ». Le but, c’est de pouvoir réduire ton niveau d’activation physiologique (en termes moins fancy, ça veut dire d’arriver à être relaxe) de telle sorte que tu sois submergée par le calme. Ainsi, le subconscient prend le dessus sur le conscient.

En effet, après avoir fait des efforts importants à la phase d’apprentissage, tu dois recharger tes batteries pour pouvoir revenir plus fort. Si tu ne reprends jamais ton souffle, il te sera difficile de repartir à courir à pleine vitesse ! Cette image de la fameuse gomme balloune que tu mâchais s’applique toujours ici. À ce stade, elle ne risque pas d’exploser, car elle dégonfle tranquillement à mesure que la pression retombe. C’est donc un bon moment pour recharger tes batteries. Par exemple, une bonne méthode de recharge est de faire une petite sieste de 20 minutes à une heure précise (pour te pas perturber ta routine). Dans les faits, la science montre que même une power nap d’aussi peu que 6 minutes peut être bénéfique… c’est (définitivement) à prendre en note.

Bref, qu’importe la façon dont tu décides de refaire le plein d’énergie, l’important est de ne pas tomber dans l’ennui ou de te sentir coupable pendant la recharge. C’est le danger de cette phase. En effet, le repos peut parfois être perçu comme ennuyant, voire interdit, surtout quand tu considères qu’il y a mille et une autres choses que tu pourrais être en train de faire. Il faut cependant garder en tête qu’un répit après un effort soutenu n’est certainement pas de la paresse, au contraire, c’est de l’intelligence !

La science explique que, pour assurer une bonne performance, la recharge d’énergie n’est pas optionnelle, elle est nécessaire. Une fois que tu as refait le plein d’énergie, il sera plus facile de regonfler ta balloune pour ainsi être capable de maintenir la cadence par la suite. Il est à noter que des détails comme l’hydratation, la méditation et la respiration sont non-négligeables, puisqu’ils sont fort importants en termes de recharge énergétique. En effet, de bonnes dispositions mentales et physiques feront en sorte que tu pourras offrir une performance à la hauteur de tes attentes. Fort heureusement, tu es en mesure d’exercer un certain contrôle sur ces dispositions. À toi d’en prendre avantage !

Trucs et astuces pour la recharge :  

- Faire de courtes siestes et maintenir une bonne hygiène de sommeil. Le sommeil est effectivement d’une importance capitale afin dans le processus de consolidation de la mémoire. Les siestes sont également utiles dans ce processus, et, plus particulièrement, pour la mémoire du mouvement. Ces périodes de repos aident en effet à intégrer les acquis de la phase d’apprentissage.

- Faire de la visualisation relaxante afin de diminuer la tension accumulée lors de la phase d’apprentissage. Bien que cette méthode puisse être perçue comme ennuyante ou « plate » par les individus généralement actifs et performants, l’état de calme post effort est essentiel à une performance excitante, tel que mentionné plus tôt.  

- Se créer une routine précompétition, comme le fait d’effectuer 5 minutes de ce qu’on appelle la « cohérence cardiaque ». Il s’agit de 5 secondes d’inspiration suivie de 5 secondes d’expiration de telle sorte que la respiration devienne rythmée et synchronisée. Lorsque la respiration est synchronisée, la performance est plus susceptible d’être synchronisée avec cette dernière, parce qu’ils partagent un point d’ancrage commun.

3.   L’état de flow
 
Les deux phases décrites précédemment (apprentissage et recharge) sont les étapes préalables à l’atteinte de l’état de flow. En fait, tu as sans doute déjà fait l’expérience du flow sans même le savoir. C’est ce qui est décrit comme le fait « d’être dans sa zone » dans le langage populaire.

L’état de flow survient lorsque tout semble être connecté, coordonné et fluide. Tout roule comme sur des roulettes, tout se fait naturellement. Tu ne penses à rien d’autre, tu ne doutes pas de toi, tu patines gracieusement et tu es bien ancrée dans le moment présent. Tu ne voudrais être nulle part ailleurs sauf ici et maintenant parce que tu te sens compétente et performante. Bref, la balloune ne risque plus d’éclater à tout moment ni de se dégonfler ; tu es dans ta bulle. Cela peut même entraîner un certain sentiment euphorique et d’invincibilité, ce qui fait que tu as du plaisir et te permet d’offrir une performance inspirée.

Puisque ton niveau de stress est à ce moment optimal et adéquat, cela te permet de maintenir un haut niveau d’attention ce qui alimente la motivation vers l’action. Ici, la pression de ta balloune est juste parfaite : ni trop de pression, ni pas assez. Ta balloune est suffisamment flexible pour faire face à l’adversité et assez solide pour performer !

Sache qu’il est aussi possible pour toi de créer cet état de flow au quotidien, ce qui augmentera ton niveau d’intelligence adaptative. Cela passe d’abord par la préparation mentale initiale, qui repose sur les deux phases détaillées ci-haut. Ces phases peuvent être pratiquées en alternance au quotidien pour éventuellement rehausser tes performances dans une multitude de domaines. En effet, cela peut être profitable à ta vie professionnelle en donnant élan à de productivité ta carrière, mais aussi à ta vie personnelle autant en termes de relations sociales qu’en ce qui a trait à des performances sportives, par exemple.

On t’invite donc à te lancer dans quelque chose de nouveau, à te propulser hors de ta zone de confort pendant cette quarantaine. En cheminant par ces deux étapes, il te sera éventuellement possible d’atteindre l’état de flow et de vivre de nouvelles expériences potentiellement très enrichissantes, voire euphoriques. Qui a dit que la drogue était nécessaire pour connaître l’extase ?

Auteur: Dr Jean-Michel Pelletier, psychologue sportif de l'entreprise Le Psy Sportif